E B. : Si la science sert Ă  quelque chose, c’est bien Ă  ouvrir l’esprit, Ă  conduire les gens Ă  s’interroger, Ă  se poser des questions. La palĂ©ontologie a la chance d’avoir un

Commentaire gĂ©nĂ©ral Un travail sĂ©rieux, alimentĂ© de recherches assez poussĂ©e pour donner des rĂ©sultats intĂ©ressants. Il est cependant dommage que vous n’ayez pas pris toute la mesure des thĂšses de Marx et Feuerbach. D’autre part, vous auriez pu aussi chercher Ă  montrer ce qui manque Ă  un monde privĂ© du fait religieux, comme suggĂ©rĂ© dans la prĂ©paration La religion est le soupir de la crĂ©ature opprimĂ©e, la chaleur d’un monde sans cƓur, comme elle est l’esprit des conditions sociales d’oĂč l’esprit est exclu. La religion est l’opium du peuple. » il n’est pas trĂšs habile, stratĂ©giquement, de commencer par cette position assez complexe, qui critique quelque chose que vous n’avez pas encore dĂ©fini D’aprĂšs cette citation de Karl Marx, la religion se prĂ©sente sous une forme de soulagement pour une sociĂ©tĂ© opprimĂ©e, mais si cette sociĂ©tĂ© ne vivait que dans le bonheur, sans problĂšmes que deviendrait alors la religion ? Servirait-elle encore Ă  quelque chose ? Qu’est ce donc que la religion et que nous apporte t-elle ? A-t-elle une utilitĂ© dans tous les cas ? A quoi sert-elle ? Ces questions pointent vers le problĂšme, sans pour autant rĂ©ellement le poser. C’est un bon dĂ©but La religion prĂ©sente un double aspect, elle est Ă  la fois la piĂ©tĂ© qui relie les hommes Ă  la divinitĂ©, Ă  une croyance, et Ă  la fois une pratique rituelle institutionnalisĂ©e. Elle se partage entre foi et institutions. Il y a trois Ă©tats de religion, le fĂ©tichisme, le polythĂ©isme et bien sur le monothĂ©isme, mais chacun de ces Ă©tats attribuent en quelque chose ou quelqu’un un pouvoir supĂ©rieur ou divin. La religion est universelle car il ne semble pas exister une seule sociĂ©tĂ© sans une forme de manifestation d’une vie religieuse, un quelconque rite. Toute religion semble dĂ©limiter une sphĂšre du sacrĂ© et une sphĂšre du profane » comme le note Durkheim dans Les formes Ă©lĂ©mentaires de la vie religieuse ». Hegel, lui a fait de la religion une manifestation de l’esprit valant pour lui-mĂȘme Ă  travers des hommes se rĂ©unissant autour d’un principe spirituel. La religion nous propose une façon de vivre, de s’exprimer, en se rĂ©unissant en communautĂ© ou mĂȘme seul. Elle montre aux esprits qui le souhaitent les directions Ă  prendre selon ses principes, dans une voie sage et religion est ce que l’esprit humain fabrique en prĂ©sence de la mort, dans l’idĂ©e qu’elle puisse nous atteindre mais pas de finir notre vie, ou d’en commencer une nouvelle dans l’au-delĂ . Elle est une sorte de mĂ©canisme de dĂ©fense naturelle contre les problĂšmes posĂ©s par l’intelligence. En quoi le fait de croire en quelque chose de divin et de supĂ©rieur peut-il nous servir dans la vie ? Ne faites pas un catalogue d’idĂ©es sans ordre et sans dĂ©veloppement, sinon vous ne parviendrez jamais Ă  tirer une conclusion valable La religion apparaĂźt sous deux aspects diffĂ©rents comme contrĂŽle social et comme fondement de la morale. On dit qu’il n’y a rien au-delĂ  des problĂšmes de la stabilitĂ© sociale. La religion construit elle-mĂȘme une justice plus forte que celle des hommes et vient palliĂ© leurs faiblesses. La justice divine n’a pas les dĂ©fauts de la justice humaine, c’est pourquoi on parle de pĂ©chĂ©s pardonnĂ©s par Dieu lorsqu’ils sont avouĂ©s. La religion permet de libĂ©rer des choses trĂšs douloureuses qu’on ne peut avouer Ă  personne sans craindre une quelconque punition rĂ©elle. On se rattache Ă  la religion dans l’idĂ©e qu’elle nous offrira une seconde vie dans l’au-delĂ , car il est difficile de vivre dans l’idĂ©e certaine de devoir mourir un jour. On parle de transcendance, de ce qui va au-delĂ  des limites dĂ©finies par l’existence humaine. Lorsque Marx dit de la religion qu’elle est l’opium du peuple », l’opium Ă©tant Ă  cette Ă©poque utilisĂ© comme sĂ©datif et antalgique, et de nos jours vus comme une drogue, il ne veut pas dire qu’elle plonge les croyants dans un monde d’hallucinations mais qu’elle les soulagent de leurs souffrances. Elle a un effet tranquillisant, apaisant par rapport Ă  une situation de dĂ©tresse. Ce soulagement n’est pourtant guĂšre suffisant car il est Ă©phĂ©mĂšre et artificiel, en rĂ©alitĂ© illusoire. Cette illusion provoque une prolongation de la souffrance rĂ©elle puisqu’elle ne fait rien pour s’attaquer Ă  ses causes rĂ©elles. Par exemple, aux contradictions de la sociĂ©tĂ© Ă  son inĂ©galitĂ© fonciĂšre, le christianisme oppose la vie idĂ©ale en communautĂ© oĂč nous serions tous frĂšres. D’aprĂšs Marx, cette vie idĂ©ale n’est pas dĂ©pourvue d’efficacitĂ©s dans le monde rĂ©el mais la religion opĂšre un dĂ©placement par rapport Ă  la rĂ©alitĂ© et Ă  ses souffrances. Et donc ? Quelle est vraiment son utilitĂ© ici ? La pensĂ©e de Feuerbach fut que la religion Ă©tait l’essence aliĂ©nĂ©e de l’homme, que celui-ci projette en dehors de lui, faute de pouvoir vivre dans une humanitĂ© pleinement rĂ©conciliĂ©e. La religion offre une vision utopique de la vie, sans pourtant rĂ©gler les problĂšmes qui enlisent la sociĂ©tĂ©. Elle sert d’instrument de domination, de raison pour dĂ©clencher une guerre, on s’en sert Ă©galement pour vendre en utilisant des jeux basĂ©s sur le hasard, et c’est ainsi que les personnes croyantes croient alors que Dieu les aidera Ă  gagner en leur donnant de la chance. Elle sert malgrĂ© tout Ă  la production de l’histoire et vĂ©hicule l’épaisseur des Ă©changes sociaux, faite de violence. La religion est prĂ©sente dans l’art, on parle alors d’art sacrĂ©, d’art profane. Pourtant aucune des valeurs dominantes de notre civilisation mondiale n’est dit par exemple les AmĂ©ricains profondĂ©ment croyants et religieux mais y a-t-il parmi eux un seul banquier, un seul commerçant, fervent chrĂ©tien qui accepterait d’ĂȘtre remboursĂ© dans l’au-delĂ  ? Le monde mondialisĂ© est athĂ©e. Cela ne signifie pas pour autant que la religion ne sert Ă  rien dans un tel systĂšme Il reste tout de mĂȘme des civilisations vivant au rythme de leur religion, des personnes qui croient en la vie grĂące Ă  elle, grĂące au soulagement et Ă  l’avenir qu’elle procure pour eux. La religion, sous ses diffĂ©rents aspects, est donc utile pour les personnes qui en ont besoin, les croyants, les personnes seules, qui n’ont que la religion Ă  qui se rattacher, se confier, se libĂ©rer. Pour eux, la religion est un soulagement profond, sans pourtant guĂ©rir leurs maux. Pour les croyants, la religion les aide Ă  avancer et Ă  avoir un but dans la vie, ne pas se sentir abandonnĂ© dans une sociĂ©tĂ© de plus en plus compliquĂ©e. Pourtant dans le cas oĂč l’on verrait la sociĂ©tĂ© sous une vision utopique, alors la religion n’aurait plus cette utilitĂ©. Abolir la religion comme bonheur illusoire du peuple, c’est exiger son bonheur rĂ©el. » Ne finissez pas sur une citation non commentĂ©e, l’effet est dĂ©sastreux surtout quand le commentaire vous aurait menĂ© vers des dĂ©veloppements intĂ©ressants et qu’elle dit le contraire du reste du paragraphe

Lesecret professionnel sert-il encore Ă  quelque chose ? Secret : “ce qui doit ĂȘtre tenu cachĂ© des autres” selon le Robert. Ce silence peut ĂȘtre aussi bien utilisĂ© pour la dissimulation de turpitudes – ravage des dĂ©lits d'initiĂ©s et autres destructions - Chaque jour sur France Bleu Paris, CĂ©lia Scemama vous donne rendez-vous pour vous faire redĂ©couvrir un des jolis coins d'Île-de-France. En partenariat avec CRT d’Ile-de-France, dĂ©couvrez en 40 jours, les lieux d’activitĂ©s et de loisirs dans la rĂ©gion parisienne. Le quartier de la Tour Eiffel, c’est un spectacle qui se joue tous les jours mais dont on ne se lasse jamais. Tout autour du cĂ©lĂšbre monument de nombreux musĂ©es vous attendent. Et contrairement Ă  ce qu’on penser, c’est un quartier village qui a son cachet et ses secrets. Jean Laussucq, conseiller de Paris en charge de l’urbanisme dans le 7e © Radio France - CĂ©lia Scemama Pour Jean Laussucq, conseiller de Paris en charge de l’urbanisme dans le 7e, “ce qui caractĂ©rise le quartier et le 7e arrondissement, c’est cet Ă©quilibre assez rĂ©ussi entre un quartier trĂšs institutionnel, un peu monumental et en mĂȘme temps un quartier de vie trĂšs agrĂ©ables pour les habitants, les familles et les personnes ĂągĂ©es”. Car si l’ambiance dans la journĂ©e est trĂšs internationale et touristique, le soir le quartier se recentre sur ses habitants. C’est ici que logeaient les ouvriers de la Tour Eiffel pendant la construction Il vous conseille d’y passer au moins une aprĂšs-midi pour vous imprĂ©gner de l’ambiance. “C’est un quartier Ă  la fois commerçant et trĂšs humain, c’est un quartier qui a longtemps Ă©tĂ© artisan, ouvrier, populaire”. Le quartier autour de la Tour Eiffel est trĂšs reprĂ©sentatif de l’architecture qu’on retrouve Ă  Paris. “Le quartier s’est construit comme beaucoup de quartiers parisiens par des couches successives depuis le 18e siĂšcle”. Il "est Ă  la fois trĂšs ancien, trĂšs historique avec un patrimoine trĂšs riche et qui contenu encore d’accueillir des crĂ©ations et des constructions trĂšs contemporaines”. Vous pouvez, en 15 minutes Ă  pied, passer du 18e au 21e siĂšcle GrĂące Ă  la Tour Eiffel, une nouvelle vocation est apparue dans le quartier du gros caillou, “celle d’accueillir des parisiens ou des touristes qui veulent passer un moment agrĂ©able dans un quartier sympathique”. Guillaume DĂ©sanges, prĂ©sident du Palais de Tokyo © Radio France - CĂ©lia Scemama Non loin de la Tour Eiffel, dans le 16e arrondissement, se trouve un autre lieu emblĂ©matique le Palais de Tokyo. “Un bĂątiment construit en 1937 Ă  l’occasion de l’exposition universelle” nous rappelle Guillaume DĂ©sanges, le prĂ©sident du Palais de Tokyo et “qui a Ă©tĂ© rĂ©habilitĂ© en 2002 pour devenir un des plus grands centres d’arts du monde”. C’est un lieu oĂč on vient dĂ©couvrir les artistes d’aujourd’hui et de demain Et puis le Palais de Tokyo, c’est un dispositif particulier. Le MusĂ©e est “ouvert de 12h Ă  minuit, on traite des sujets d’actualitĂ©s avec des artistes du monde entier, on propose beaucoup de visites et d’ateliers pour les enfants et puis on a 2 restaurants, une librairie et puis on est aussi l’un des plus importants spots de skate de Paris”. A l’intĂ©rieur, le visiteur est rapidement acteur. “Nous avons un grand espace qui nous permet de faire vivre des expĂ©riences. L’art contemporain n’est pas seulement quelque chose qui se regarde de l’extĂ©rieur, c’est aussi quelque chose qui se vit de l’intĂ©rieur”. A noter que le 3 septembre, Le Palais de Tokyo donne rendez-vous Ă  tous pour une soirĂ©e festive avec “Le banquet du jardin aux habitantes”. Car il faut savoir qu’il y a des “jardins partagĂ©s depuis plus de 20 ans ici et qui sont rue de la manutention. Direction la Tour Eiffel oĂč CĂ©lia retrouve Michel Faul, guide confĂ©rencier qui regrette “qu’à force de regarder la Tour Eiffel, on n’oublie que tout autour il y a tout un quartier qui a beaucoup bougĂ©â€. “C’est une espace qui jusque vers le milieu du 18e Ă©tait consacrĂ© aux cultures maraĂźchĂšres”. Puis il y a eu la construction de l’école militaire sous la volontĂ© de Louis XV. Michel Faul, guide confĂ©rencier © Radio France - CĂ©lia Scemama Alors au dĂ©but cette tour de 300m Ă©tait trĂšs mal vue par les parisiens et une certaine Ă©lite. “Et effectivement cette tour devait ĂȘtre dĂ©truite Ă  la fin de l’exposition universelle de 1889” rappelle Michel Fau “mais une des raisons pour lesquelles elle a perdurĂ© c’est qu’un militaire, _le gĂ©nĂ©ral FĂ©rriĂ©_, a soufflĂ© l’idĂ©e Ă  Gustave Eiffel que cette tour pourrait servir aux tĂ©lĂ©communications militaires”. Pour dĂ©jeuner dans le quartier, CĂ©lia vous conseille le restaurant “Les marches” oĂč l’ambiance qui rĂšgne est incroyable. JĂ©rĂŽme Dumant, le propriĂ©taire, revient sur le label des routiers qu’il a obtenu. “C’est un logo que j’exploite sur les abat-jours, les assiettes, les boĂźtes d’allumettes et qui n’a pas changĂ© depuis 1935”. Aujourd’hui, avoir un routier Ă  200m de l’avenue Montaigne, ce n’est pas banal JĂ©rĂŽme Dumant, propriĂ©taire du restaurant "Les Marches" © Radio France - CĂ©lia Scemama Et puis non loin de lĂ  se prĂ©pare la 5e Ă©dition du Village international de la gastronomie. “On offre pendant 4 jours, une dĂ©couverte de plus de 48 pays Ă  travers les couleurs, les Ă©pices, la cuisine” nous prĂ©cise la fondatrice de l’évĂ©nement, Anne-Laure. “Il y a des dĂ©couvertes gustatives Ă  chaque espace”. Paris est la mĂ©tropole oĂč il y a toutes les communautĂ©s du monde qui sont prĂ©sentes DĂ©but des festivitĂ©s le 1er septembre ! Et attention France Bleu Paris vous offre la possibilitĂ© de passer une soirĂ©e inoubliable au pied de la Tour Eiffel avec un dĂźner imaginĂ© par les diffĂ©rents stands et servi sous cloche sur une terrasse Ă©phĂ©mĂšre rien que pour vous et une sĂ©rie de concerts incroyables. Pour jouer, rendez-vous ICI QuestionĂ©tonnante lorsqu’on y rĂ©flĂ©chit : faut-il chercher d’abord l’efficacitĂ© alors qu’avec la priĂšre nous sommes dans l’ordre de la gratuitĂ© ? Se poser la question de l’efficacitĂ© de la priĂšre, n’est-ce pas dĂ©jĂ  douter et comme l’on dit, ĂȘtre « dĂ©sabusĂ© » A L'art est inutile L'Ɠuvre d'art est un objet sensible, c'est-Ă -dire qu'il s'adresse Ă  mes sens, mais contrairement aux autres objets, je ne l'utilise pas. C'est pour cela que Kant explique dans la Critique de la facultĂ© de juger que le plaisir esthĂ©tique qui vient de la contemplation d'une Ɠuvre d'art est un plaisir dĂ©sintĂ©ressĂ© ce n'est pas la consommation ou l'utilisation de l'Ɠuvre d'art qui me procure du plaisir dans l'expĂ©rience esthĂ©tique. L'art se dĂ©finit donc par sa fin, qui est non utilitaire. En fait, la plupart des Ɠuvres d'art avaient une utilitĂ© au moment de leur crĂ©ation, mais c'est une fois que cette utilitĂ© s'est estompĂ©e qu'on peut vĂ©ritablement dire que l'Ɠuvre est une Ɠuvre d'art. Exemple Le Tympan du Jugement Dernier de l'abbatiale de Conques avait pour but de susciter chez l'observateur la peur du Jugement et de l'Enfer, afin qu'il conforme sa vie aux prĂ©ceptes de l'Église. Cela signifie donc qu'en droit, tout peut ĂȘtre une Ɠuvre d'art. Ce qui dĂ©finit une Ɠuvre d'art, c'est d'abord le rapport respectueux, mis Ă  distance, dĂ©sintĂ©ressĂ© que j'entretiens avec elle. C'est d'ailleurs ce que veut signifier Marcel Duchamp 1887-1968 quand il cherche Ă  exposer en 1917 Ă  New York son Ɠuvre Fontaine, qui n'est autre qu'un urinoir renversĂ©, c'est-Ă -dire l'objet le plus banal et trivial qui soit. Marcel Duchamp, Fontaine, 1917 B Juger le beau Si, en droit, tout peut ĂȘtre une Ɠuvre d'art, qui dĂ©cide alors qu'une Ɠuvre est une Ɠuvre d'art ? Quand j'estime que quelque chose est beau, quand je juge de la beautĂ© d'une Ɠuvre, tout le monde doit-il ĂȘtre d'accord avec moi ? Kant, dans la Critique de la facultĂ© de juger, explique qu'il faut distinguer le beau par exemple, La Joconde est belle », de l'agrĂ©able par exemple, ce vin est trĂšs bon ». Ces deux phrases constituent un jugement, qui consiste Ă  qualifier un sujet La Joconde » ou ce vin » au moyen d'un prĂ©dicat belle » ou trĂšs bon ». De plus, ces jugements sont tous les deux subjectifs mĂȘme dans le cas de La Joconde, la beautĂ© n'est pas une propriĂ©tĂ© de l'objet que je juge beau si je dissĂšque ce tableau, je ne trouverai jamais une propriĂ©tĂ© chimique qui serait la beautĂ©, ce n'est donc pas un jugement objectif. NĂ©anmoins, si nous acceptons trĂšs bien que le jugement du caractĂšre agrĂ©able d'un objet soit particulier les goĂ»ts et les couleurs ne se discutent pas », pour le beau, nous jugeons comme si tout le monde devait ĂȘtre d'accord avec nous. Le jugement esthĂ©tique est donc un jugement subjectif universel, dans le sens oĂč il est universalisable je sais que mon jugement ne va pas ĂȘtre partagĂ© par tous, mais je juge comme si c'Ă©tait le cas. Remarques Une mĂȘme Ɠuvre peut faire l'objet d'un jugement esthĂ©tique sur le beau ou d'un jugement sur son caractĂšre agrĂ©able. Ainsi, si on utilise Le Printemps d'Antonio Vivaldi comme musique d'attente, on le fait pour son caractĂšre agrĂ©able, alors que si on l'Ă©coute pour lui-mĂȘme, celui-ci fait l'objet d'un jugement esthĂ©tique. De plus, une Ɠuvre belle peut ĂȘtre en mĂȘme temps assez dĂ©sagrĂ©able, comme le poĂšme Une Charogne » de Charles Baudelaire 1821-1867 qui convoque des images de putrĂ©faction et de corps mort. RepÈres Objectif/subjectif Est objectif ce qui se rapporte Ă  l'objet de la connaissance. Un jugement objectif ne dĂ©pend pas du sujet qui l'Ă©nonce et est donc nĂ©cessairement universel. Est subjectif ce qui se rapporte au sujet de la connaissance. Un jugement subjectif devrait donc toujours dĂ©pendre du sujet qui l'Ă©nonce et ĂȘtre particulier, mais le jugement esthĂ©tique chez Kant est Ă  la fois subjectif et universel. Universel/particulier Est universel ce qui vaut en tout temps et en tout lieu, c'est-Ă -dire ce qui ne souffre aucune exception. Est particulier ce qui appartient en propre Ă  un individu ou Ă  un groupe restreint d'individus. Sil n’y a pas de vĂ©ritĂ© absolue en politique, il y a nĂ©anmoins une vĂ©ritĂ© du politique qui Ă©merge du discours de CalliclĂšs : se servir par tous les moyens de ce qui sera utile au pouvoir de l’argent. Philosopher, dira CalliclĂšs, c’est perdre son temps, et perdre du temps c’est perdre de l’argent dira quelques siĂšcles plus tard Franklin. CorrigĂ© A quoi sert l'art ? »Texte 1 Bergson1 L'artiste nous permet d'accĂ©der aux choses du monde et de la nature dans ce qu'elles ont de plus singulier, dans leur profondeur. En effet, l'artiste n'est pas obnubilĂ© par l'utilitĂ© de ce qu'il perçoit et de ce qu'il nous fait percevoir il ne cherche qu'Ă  nous faire voir le monde tel qu'il est, indĂ©pendamment de son utilitĂ© pratique. LibĂ©rĂ© de ce voile de l'utilitĂ© qui obscurcit dans la perception ordinaire tous les dĂ©tails inutiles Ă  notre action, l'artiste nous permet donc de rentrer en communion avec les choses, d'avoir la sensation de leur originalitĂ©. L'artiste nous montre la diffĂ©rence entre deux objets singuliers que le langage nous fait par exemple rĂ©unir sous un seul et mĂȘme Ce voile qui existe entre nous et la nature est le voile de l'utilitĂ©. En effet, notre perception des choses est toujours dĂ©terminĂ©e par une finalitĂ© pratique nous ne percevons de celles-ci que ce qui nous est utile et nous effaçons ce qui nous parait inutile. Par exemple, il m'est inutile de percevoir la diffĂ©rence entre deux chaises, je cherche seulement de quoi m'asseoir. Je vais donc effacer les dĂ©tails qui distinguent les diffĂ©rentes chaises. De ce fait, je ne rentre pas en contact avec la singularitĂ© de chaque chaise mais n'en voit qu'une simplification pratique ».Texte 2 Kant1 L'art libĂ©ral est agrĂ©able en soi et non pas en raison de ses effets. C'est l'activitĂ© mĂȘme de crĂ©er qui est agrĂ©able pour l'artiste, indĂ©pendamment de ce qu'il crĂ©e et cette activitĂ© est libre car non contrainte par l'objet qu'elle a Ă  crĂ©er. L'art mercantile Ă  l'inverse est en lui-mĂȘme une tĂąche dĂ©sagrĂ©able, ce qui le rend attirant ce n'est pas son activitĂ©, sa crĂ©ation mais seulement son effet l'objet créé et l'Ă©ventuel profit qui en est Kant veut dire par lĂ  que le jugement esthĂ©tique est dĂ©sintĂ©ressĂ© on ne cherche pas Ă  s'approprier cet objet parce qu'il est beau, ce qui nous procure du plaisir esthĂ©tique est simplement la contemplation dĂ©sintĂ©ressĂ©e de cet objet. La seule reprĂ©sentation de l'objet a ainsi de l'importance et peu importe si l'objet en question existe rĂ©ellement ou non. La contemplation esthĂ©tique est ainsi indiffĂ©rente Ă  l'existence de l' 3 Freud1 Les Ɠuvres d'art sont, selon Freud, le moyen pour l'artiste de rĂ©aliser des dĂ©sirs inconscients, qu'il a refoulĂ© parce qu'ils Ă©taient inacceptables d'un point de vue moral ou au regard de la sociĂ©tĂ©. La rĂ©alitĂ© extĂ©rieure vient en effet empĂȘcher la rĂ©alisation de certains dĂ©sirs il ne reste donc plus qu'Ă  les satisfaire de maniĂšre imaginaire. Cette rĂ©alisation de dĂ©sirs inconscients s'effectue alors de maniĂšre dĂ©guisĂ©e les Ɠuvres d'art sont ainsi le moyen pour l'artiste de sublimer ses dĂ©sirs en leur trouvant un ersatz, un substitut plus acceptable. La sublimation consiste Ă  transformer et Ă  orienter certains dĂ©sirs vers des buts de valeur sociale ou affective plus Le rĂȘve et l'Ɠuvre d'art sont ainsi des moyens de satisfaire de maniĂšre imaginaire certains dĂ©sirs que l'on a refoulĂ© pour Ă©viter un conflit intĂ©rieur entre nos dĂ©sirs et nos exigences morales. Mais Ă  la diffĂ©rence du rĂȘve qui est par essence narcissique, tournĂ© seulement vers soi, les Ɠuvres d'art ne sont pas cachĂ©es au regard d'autrui, elles n'enferment donc pas l'artiste dans son individualitĂ©. L'artiste offre donc au regard d'autrui l'objet de satisfaction dĂ©guisĂ©e de ses dĂ©sirs et peut mĂȘme par lĂ  offrir du plaisir Ă  ceux qui l'observent. L'artiste, par ses Ɠuvres entre ainsi en communication avec les autres hommes et avec leurs dĂ©sirs il crĂ©e par ses Ɠuvres un monde commun, un lien entre les p. 204 Hegel1 L'imitation de la nature ne peut ĂȘtre satisfaisante dans la mesure oĂč c'est une imitation d'un modĂšle qui existe dĂ©jĂ . Pour Hegel, la crĂ©ation artistique consiste Ă  produire, Ă  extĂ©rioriser Ă  donner une existence effective Ă  qqch de notre esprit, Ă  rĂ©aliser qqch de soi. L'art est une production de l'esprit et non une imitation de la nature caricature. C’est la crĂ©ation qui inspire la fiertĂ© alors que la copie, Ă©tant toujours infĂ©rieure Ă  son modĂšle, inspire plus de dĂ©goĂ»t que d’ p. 204 Proust2 La crĂ©ation artistique a un sens fort au sens oĂč elle renouvelle sans cesse le monde. Elle change notre vision du monde, elle nous le donne mĂȘme Ă  voir, tel un oculiste. Mais en changeant notre façon de voir le monde, l’artiste change ainsi le sens que nous donnons aux choses et donc change le monde lui-mĂȘme une voiture devient un Renoir », autrement dit une Ɠuvre d’art donc un autre objet ayant une autre p. 2051 La formule d'Oscar Wilde selon laquelle la nature imite l’art semble paradoxale au sens oĂč elle va contre la doxa, contre l’opinion commune. En effet, l’art est souvent vu comme une reproduction des objets de la nature l’artiste essaierait de reproduire la beautĂ© qu’il trouve dans la nature les ailes des papillons par exemple. Wilde inverse ici le rapport entre l’art et la nature. En effet, la nature est aujourd’hui Ă  ce point transformĂ©e par la main de l’homme qu’elle semble imiter les Ɠuvres d’art. La mise en forme de la nature selon une certaine configuration semble ainsi se faire selon le mĂȘme procĂ©dĂ© que la crĂ©ation artistique. La photographie ici prĂ©sentĂ©e nous donne Ă  voir une culture d’algues, organisĂ©e par l’homme. C’est donc sans doute l’homme qui tente de transformer la nature pour la faire imiter l’art, c’est-Ă -dire sa propre production. La nature devient un matĂ©riel dire que la nature imite l’art c’est aussi suggĂ©rer que la nature devient une pĂąle copie du modĂšle qu’est l’art, c’est donc inverser la hiĂ©rarchie initiale entre les deux pour rehausser la crĂ©ation artistique au dĂ©triment d’une nature dont la beautĂ© laisse parfois Ă  La photographie a-t-elle une fonction purement reprĂ©sentative au sens de prĂ©senter une nouvelle fois une rĂ©alitĂ© qui existe dĂ©jĂ  ? Elle peut nous faire voir les choses autrement par une certaine mise en scĂšne par exemple. Elle aurait ainsi une autre fonction celle d'exprimer un sens, d'entamer une rĂ©flexion sur le rĂ©el. De plus, si la photographie est censĂ©e reprĂ©senter la rĂ©alitĂ©, elle est condamnĂ©e Ă  la figer alors que la rĂ©alitĂ© est en perpĂ©tuel changement, en mouvement. DĂšs lors, elle ne peut la retranscrire adĂ©quatement. Par exemple, la peinture de chevaux en plein mouvement semble plus vraie qu'une 206-207 RĂ©sumĂ© HEGEL, EsthĂ©tiqueL’art nous Ă©loigne-t-il de la vĂ©ritĂ© des choses en nous berçant dans l’illusion comme l’affirme Platon ou est-il au contraire un moyen d’accĂ©der Ă  une vĂ©ritĂ© plus profonde de l’ĂȘtre des choses, vĂ©ritĂ© intelligible relevant de l’IdĂ©e souvent cachĂ©e derriĂšre l’apparence sensible des objets du monde ? Hegel affirme que l’art donne prĂ©cisĂ©ment l’IdĂ©e Ă  contempler en la faisant apparaĂźtre de maniĂšre sensible, pour qu’elle ne demeure pas une simple abstraction. Mais Ă  la diffĂ©rence des objets du monde, qui sont des objets sensibles, l’art ne nous donne que l’apparence de ce sensible et ne laisse donc pas place au dĂ©sir de le consommer. DĂšs lors, en tant que manifestation de l’esprit, l’art ne peut se rĂ©duire Ă  l’imitation de la nature. Au contraire, toute crĂ©ation artistique est le moyen pour l’homme de se contempler lui-mĂȘme en tant qu’esprit en observant son Ɠuvre. La finalitĂ© de l’art n’est ni un simple plaisir esthĂ©tique ni une Ă©rudition sur la crĂ©ation l’art a pour tĂąche de nous livrer l’IdĂ©e des choses, leur vĂ©ritĂ© mais toujours par leur aspect sensible c’est en cela que l’art diffĂšre de la philosophie, oĂč l’idĂ©e s’est libĂ©rĂ©e de son aspect sensible pour n’ĂȘtre que pur concept.pp. 208-209 HEGEL suiteTexte 1 1 La beautĂ© artistique est supĂ©rieure au beau naturel parce qu’elle est de nature spirituelle relĂšve de l’esprit ce qui est toujours supĂ©rieur au La beautĂ© artistique nous donne Ă  voir l’apparence du sensible et non le sensible lui-mĂȘme ainsi ce n’est plus l’objet lui-mĂȘme que l’on a en face de soi et qu’on aurait tendance Ă  vouloir s’approprier, que l’on dĂ©sire c’est seulement son apparence. IndiffĂ©rent Ă  l’existence effective de l’objet, la contemplation esthĂ©tique s’attache ainsi Ă  la simple IdĂ©e de ce qu’est l’objet, Ă  sa dimension 2 1 Le besoin d’art provient du fait que l’homme ne se contente pas d’ĂȘtre immĂ©diatement comme les choses naturelles en tant que conscience, il est pour soi et a donc Ă  se contempler lui-mĂȘme en tant que conscience. Il est en soi et pour soi et afin de se contempler, de se donner lui-mĂȘme Ă  voir, il produit, il crĂ©e et toutes ces crĂ©ations artistiques sont autant de moyens pour l’homme de s’observer comme L’homme peut prendre conscience de lui-mĂȘme de maniĂšre thĂ©orique, spĂ©culative par la pensĂ©e, la rĂ©flexivitĂ©, l'introspection, il se contemple et perçoit ses Ă©tats d'Ăąme; mais aussi de maniĂšre pratique, en transformant le monde qui lui fait face. Ainsi, en le transformant, il lui donne son empreinte, la marque de ce qu’il est, c'est l’extĂ©riorisation concrĂšte de ce qu’il 3 1 Les scĂšnes et objets de la vie courante ont cela de particulier qu’ils n’attirent plus notre regard nous ne voyons plus ces objets qui n’attirent pas notre attention. Nous restons indiffĂ©rents au contenu de ces objets du quotidien. Paradoxalement, l’art, en nous donnant Ă  voir la surface de ces objets, ne nous Ă©loigne pas de leur contenu mais au contraire rĂ©oriente notre attention et notre intĂ©rĂȘt vers celui-ci. Avec sa surface, c’est bien le contenu de cet objet du quotidien jusqu’alors sans intĂ©rĂȘt qui m’intĂ©resse c’est ainsi que l’apparence devient miracle d’idĂ©alitĂ© ».2 On oppose gĂ©nĂ©ralement l’essence Ă  l’existence, le sensible Ă  l’intelligible, l’Etre Ă  l’apparaĂźtre. L’originalitĂ© de la pensĂ©e de Hegel consiste Ă  montrer que toute IdĂ©e ne peut ĂȘtre que si elle se manifeste, qu’elle s’extĂ©riorise et donc que l’apparence est un moment essentiel de la vĂ©ritĂ© qui ne peut rien ĂȘtre si elle n’apparaĂźt pas. De mĂȘme, la surface est essentielle Ă  la profondeur et la forme essentielle au 4 La notion d’idĂ©alitĂ© dĂ©signe d’abord ce qui relĂšve de l’IdĂ©e. En tant que tel, elle caractĂ©rise quelque chose de durable. L’idĂ©alitĂ© dĂ©signe ainsi l’essence des choses, ce qui les dĂ©finit et qui en ce sens n’est pas pĂ©rissable. Elle s’oppose Ă  l’existence des choses faite de changements perpĂ©tuels et aux accidents qui affectent les choses mais n’en constituent pas des caractĂ©ristiques 222-223 Hannah Arendt1 Selon Arendt, la finalitĂ© de l'art ne doit pas ĂȘtre de servir Ă  quelque chose d'autre que de ravir. Ainsi, elle ne doit pas ĂȘtre de s'Ă©duquer, de parfaire sa connaissance d'une pĂ©riode donnĂ©e ». En effet, dans un tel cas, on utilise l'objet d'art Ă  des fins secondes », ce qui ne diffĂšre fondamentalement pas du fait de s'en servir pour boucher un trou dans un mur ».2 Le philistinisme consiste Ă  juger de tout en terme d'utilitĂ©. L'attitude du philistin cultivĂ© consiste Ă  se servir de l'art pour une autre fin que la pure contemplation esthĂ©tique elle consiste Ă  s'en servir pour se cultiver et ainsi permettre une ascension sociale. C'est en cela qu'Arendt juge qu'il y a lĂ  une crise de la culture » car cela dĂ©voie la vĂ©ritable finalitĂ© de l'art. Elle considĂšre en effet que l'attitude qui consiste Ă  se servir des objets d'art pour se cultiver et ainsi prĂ©tendre Ă  une certaine position sociale n'est pas l'attitude appropriĂ©e dans la mesure oĂč elle fait de la culture une valeur, une marchandise sociale, un objet d' La culture de masse risque de faire des Ɠuvres d'art des produits de consommation comme les autres et ainsi de les dĂ©truire. En effet, faire d'une Ɠuvre d'art un objet de loisir implique qu'on le consomme et qu'on le fasse ainsi entrer dans le cercle de la nĂ©cessitĂ© vitale. Ainsi, ces Ɠuvres d'art n'auraient plus cette durabilitĂ© qui fait d'elles des Ɠuvres qui habitent notre monde spĂ©cifiquement humain, elles deviendraient des objets pĂ©rissables. En effet, les Ɠuvres d'art sont censĂ©es n'avoir aucune fonction dans le processus vital de la sociĂ©tĂ© et c'est pour cette raison qu'elles ont une immortalitĂ© potentielle. Une version divertissante de celles-ci leur ĂŽte leur nature d'Ɠuvre d'art qui est prĂ©cisĂ©ment de n'ĂȘtre ni consommĂ©e ni Initialement, les notions d'art et de technique se confondent puis l'art s'en dĂ©tache en visant simplement le beau, le plaisir esthĂ©tique indĂ©pendamment de l'utilitĂ©. Servir Ă  signifie ĂȘtre au service de qqch d'autre. DĂšs lors, si l'art sert Ă  qqch il devient un moyen, un outil et perd ainsi toute sa noblesse, sa valeur intrinsĂšque. L'art a peut-ĂȘtre pour vocation d'ĂȘtre inutile, de rester extĂ©rieure Ă  cette logique utilitaire qui dĂ©termine notre rapport ordinaire au monde. Il serait une fin en soi. Mais si l'art est une fin cela veut-il nĂ©cessairement dire qu'il n'ait pas de fin ? Si l'art doit ĂȘtre inutile, qu'il ne doit pas ĂȘtre un moyen pour qqch, alors pourquoi crĂ©er et pourquoi aller au musĂ©e ? Le paradoxe de l'art semble bien ĂȘtre que ce qui fait sa valeur c'est d'ĂȘtre l'art vise-t-il seulement le beau et en ce sens n'aurait aucune utilitĂ© et serait donc inutile ou faut-il revoir le sens mĂȘme de l'idĂ©e d'utilitĂ© au sens oĂč l'art ne sert pas Ă  qqch d'autre que lui-mĂȘme mais n'est pas pour autant inutile, il a bien une Bergson L’art nous donne Ă  voir le monde, les choses du monde pour ce qu’elles sont, indĂ©pendamment de leur utilitĂ©, de leur aspect pratique. Ainsi, l’art ne doit pas tant servir Ă  quelque chose mais doit au contraire nous faire oublier cette logique utilitariste qui consiste Ă  voir dans toute chose un moyen pour mon action. Le dĂ©sintĂ©ressement par rapport au monde que nous apprend l’artiste peut nous permettre de le voir tel qu’il est rĂ©ellement, dans toute sa richesse. Le monde que nous rĂ©vĂšle l’artiste est fait d’objets singuliers, irrĂ©ductibles les uns aux autres et non pas de multiples exemplaires similaires d’un mĂȘme L'art est une fin en soi, une activitĂ© agrĂ©able voulue pour elle-mĂȘme et dĂ©nuĂ©e de tout intĂ©rĂȘt. L'art est une fin en soi et non pas un moyen donc en un sens il n'a pas de fin. Mais n'a-t-il donc aucune fonction ? L'art est-il seulement un divertissement ? voir ArendtFreud L’art est avant tout le moyen pour l’homme de sublimer ses dĂ©sirs les plus inavouables. Ainsi, en crĂ©ant des Ɠuvres, l’artiste rĂ©alise ses dĂ©sirs en leur trouvant un substitut acceptable et mĂȘme honorable. Mais l'art n'est pas seulement la rĂ©alisation narcissique et Ă©goĂŻste des dĂ©sirs humains, c'est aussi un moyen de communiquer et de crĂ©er du lien entre les dĂ©sirs des hommes par ces L'art permet Ă  l'homme de prouver son habiletĂ©. Il doit ĂȘtre crĂ©ation et non imitation car l'homme ne cherche pas Ă  reprĂ©senter la nature mais recherche sa propre image. Il cherche Ă  ĂȘtre pour soi et pour les autres. Il y a derriĂšre la crĂ©ation d'Ɠuvres artistiques un besoin pour l'homme de se contempler lui-mĂȘme dans son Ɠuvre mais aussi d'ĂȘtre reconnu par les autres sujets conscients comme tel. En s'extĂ©riorisant en tant qu'esprit, le crĂ©ateur se voit comme conscience de soi et se montre Ă  autrui qui le reconnaĂźt comme tel.→ Voir l'excellente fiche de lecture de SoĂ©lie sur le L'art permet un renouvellement de notre regard sur le monde, du sens que nous donnons aux choses et donc change ainsi le monde lui-mĂȘme l'art sert avant tout Ă  recrĂ©er perpĂ©tuellement le monde que nous habitons. Il nous incite Ă  revoir le monde Ă  l'infini et ainsi Ă  le recrĂ©er L'unique but de l'art est l'apparaĂźtre et son critĂšre est la beautĂ©. Il ne faut donc voir dans l'art ni un moyen de se cultiver en vue d'une Ă©ventuelle ascension sociale, ni un simple loisir ou divertissement. Dans les deux cas, on dĂ©voie la fonction initiale de l'art qui est de ravir celui qui la contemple et qui ne doit pas servir Ă  autre chose. Mais rĂ©duire l'art Ă  un simple divertissement est Ă©galement prĂ©judiciable dans la mesure oĂč on les consommerait comme tout autre produit de consommation. Les Ɠuvres d'art, par leur durabilitĂ© intrinsĂšque doivent ĂȘtre exclues de ce processus de consommation qui les dĂ©truirait elles sont lĂ  pour survivre aux gĂ©nĂ©rations et constituer un monde spĂ©cifiquement l'excellente fiche de ManonPour une proposition de plan dĂ©taillĂ© voir L’art n'apporte rien Ă  l'homme qui lui permet de vivre, d'Ă©voluer, et c’est d’ailleurs une des fonctions de l’art que d’ĂȘtre dĂ©sintĂ©ressĂ©, comme le dit Oscar Wilde « l’art est tout Ă  fait inutile ». 1En tant que dĂ©rivĂ© du jeu, l’humour, tout comme l’art, intĂ©grerait les principes opposĂ©s de plaisir et de rĂ©alitĂ©, les espaces intrapsychiques et interpsychiques, les instances du conscient et de l’inconscient... Une analyse qui s’alimente autant des textes psychanalytiques » que de l’abondante littĂ©rature critique concernant les courants et tendances de l’art contemporain. 2Humour et art sont deux phĂ©nomĂšnes Ă©nigmatiques, en ce qu’ils opposent une rĂ©sistance Ă  toute analyse et qu’ils risquent de perdre leur attrait une fois mis Ă  nu par une explication. Un tableau de Ben Vautier l’illustre une boĂźte noire avec l’écriture BoĂźte mystĂšre Ă  l’instant oĂč elle sera ouverte elle perdra toute valeur esthĂ©tique. » 3Mais la pulsion Ă©pistĂ©mophilique dĂ©fie cette mise en garde elle nous pousse Ă  ouvrir la boĂźte noire en sachant qu’on n’y parviendra jamais complĂštement. 4Je me limiterai ici Ă  considĂ©rer l’art, que notre Ă©poque appelle plastique », comme hĂ©ritier des beaux arts. 5La question de l’humour dans l’art contemporain a pour moi un Ă©cho personnel. Si je m’interroge sur ce qui me pousse Ă  me rendre aux expositions d’art contemporain, je rĂ©ponds d’abord que j’y cherche une distraction. Je cherche Ă  ĂȘtre amusĂ©e, surprise, pour ressortir avec un bĂ©nĂ©fique chamboulement dans les idĂ©es capable de relancer ma curiositĂ© pour les rĂ©alitĂ©s du monde, de l’époque Ă  venir, de la condition humaine. Bref, je cherche une remise en cause des idĂ©es reçues, qui s’accompagne de plaisir, mĂȘme si parfois elle entraĂźne un certain effroi. En somme, tout le contraire de l’ennui de mon enfance lors des visites si rĂ©pĂ©titives aux musĂ©es et Ă©glises de l’Italie catholique. Dans ces lieux gardiens d’art ancien, Ă©minemment sĂ©rieux, les objets, telles les reliques sacrĂ©es, m’apparaissaient poussiĂ©reux, immuables, sĂ©vĂšres, mĂ©lancoliques. Dans mes souvenirs, ces temples qui conservent l’art sont des contextes oĂč l’humour et le rire sont proscrits. Que les salles de musĂ©e exposent aujourd’hui des Ɠuvres si dĂ©sacralisantes a pour moi le goĂ»t dĂ©licieux du blasphĂšme leur frĂ©quentation me procure le plaisir de la transgression. De plus, en tant que public, je m’offre le confort d’une transgression sans risque le statut officiel du musĂ©e d’art contemporain, leur appartenance au monde culturel, permettent au visiteur de se sentir quelque peu appartenir Ă  ce monde. Donc cela me procure en prime une satisfaction de nature narcissique. 6En tant que sujet contemporain, je me sens parfois Ă  la merci d’importants changements de notre Ă©poque en perpĂ©tuelle Ă©volution, en perpĂ©tuelle crise de valeurs, sans certitudes auxquelles s’accrocher. Le spectacle de l’art contemporain m’offre alors une mise en perspective de ces angoisses, d’une autre nature que celle que l’on peut atteindre par une dĂ©marche purement rationnelle. Il ouvre des perspectives inĂ©dites par la mise en relation d’élĂ©ments a priori distincts qui aboutissent Ă  un nouvel objet original. Il consent un sentiment de lĂ©gĂšretĂ© aussi inattendu sur des sujets graves ou inquiĂ©tants. 7Le rĂ©sumĂ© de ces bĂ©nĂ©fices personnels issu de la contemplation de l’art contemporain correspond aux bĂ©nĂ©fices de l’humour tels que S. Freud et quelques autres de ses successeurs les ont dĂ©crits. La remise en cause des pensĂ©es reçues voire le plaisir de la transgression proviennent de l’émergence soudaine de contenus pulsionnels dans un contexte secondarisĂ© ; le ressenti de lĂ©gĂšretĂ© face Ă  la gravitĂ© de la rĂ©alitĂ© extĂ©rieure correspond au rĂŽle consolateur de l’instance parentale intĂ©riorisĂ©e qui montre au moi-enfant le cĂŽtĂ© risible de ses peurs. L’humour fonctionne comme une dĂ©fense contre la honte, la dĂ©pression, le mĂ©contentement, le dĂ©goĂ»t, le dĂ©sespoir dont l’excellence le rapproche de la sublimation, bien qu’il relĂšve plutĂŽt de l’économie narcissique le moi ne se laisse pas accabler par les calamitĂ©s de la rĂ©alitĂ© extĂ©rieure. 8Humour et art sont intimement liĂ©s dans la thĂ©orie psychanalytique. Mais, pour saisir la place que l’humour a prise dans l’expression artistique contemporaine, il faut rappeler que, dans l’histoire de l’art, le comique a Ă©tĂ© exclu ou marginalisĂ©. Pour les anciens, l’humour Ă©tait thĂ©rapeutique de l’humeur par la voie de la catharsis Hippocrate pensait que dans le rire s’écoulaient les excĂšs de bile, l’humeur noire nĂ©faste Ă  l’organisme entendu comme un ensemble psychosomatique ; ce qui rejoint Aristote dans la thĂ©orie de la fonction cathartique d’un spectacle artistique notamment le théùtre. Humour et humeur ont une mĂȘme origine Ă©tymologique que la langue anglaise a conservĂ©e. 9Mais, depuis le Moyen Âge, la conception chrĂ©tienne du rire a prĂ©dominĂ© il Ă©tait du cĂŽtĂ© du mal, du satanique. L’art Ă©tait une affaire sĂ©rieuse, puisque liĂ©e Ă  la religion, puis aussi aux personnages haut placĂ©s dans la politique. Les rares exceptions d’Ɠuvres burlesques Ă©taient considĂ©rĂ©es Ă  la marge de l’art, en tant que formes mineures la caricature. 10Ce n’est que lorsque l’art se donne une tĂąche critique des valeurs, de la religion, du pouvoir Ă©tabli, des institutions y compris celles de l’art lui-mĂȘme, que les conditions propices Ă  l’utilisation de l’humour apparaissent. L’humour peut dire quelque chose de la rĂ©alitĂ© dans laquelle nous vivons et reprendre ainsi une position morale tout en restant ludique. 11La libertĂ© de reprĂ©sentation, la recherche de l’abolition des censures, l’ouverture sur l’exploration de toutes les possibilitĂ©s Ă©lĂšvent l’humour dans ses diffĂ©rentes formes au rang de catĂ©gories est prĂ©sent dans quasiment tous les courants d’art contemporain, aussi divergents les uns des autres. Nous ne choisirons que quelques exemples parmi un nombre continuellement entre art et humour le jeu12Si l’utilisation de l’humour dans l’art ne se trouve lĂ©gitimĂ©e que depuis l’époque moderne, ces deux termes relĂšvent pourtant du mĂȘme domaine tout comme la crĂ©ation artistique, naĂźt de la capacitĂ© de jouer. La particularitĂ© paradoxale du jeu est de faire coexister le principe de plaisir avec le principe de rĂ©alitĂ©. En tant que dĂ©rivĂ©s du jeu, l’humour et l’art hĂ©ritent de lui l’aptitude unificatrice et conciliatrice des opposĂ©s. 14Jouer est une premiĂšre forme de mĂ©taphorisation qui permet le passage de l’objet primaire Ă  l’utilisation d’autres objets, cheminement de la symbolisation qui aboutit au langage comme Ă©ventuellement Ă  l’expression artistique. Le jeu naĂźt de la nĂ©cessitĂ© de dĂ©passer une souffrance, et l’enfant acquiert la maĂźtrise de la situation douloureuse en apprenant par le jeu Ă  se la reprĂ©senter. Par la progressive mentalisation de l’objet, l’activitĂ© du jeu se parachĂšve dans la reprĂ©sentation de choses, puis de mots. La manipulation des reprĂ©sentations de mots a l’avantage de permettre une Ă©norme libertĂ©, dont les rĂȘves, les jeux de mots, sont des exemples. D’autre part, l’activitĂ© de jeu peut aussi aboutir au travail artistique, manipulation d’un matĂ©riau ou de sa motricitĂ© pour concrĂ©tiser des reprĂ©sentations les Ɠuvres. 15Dans Les Mots d’esprit et leur rapport avec l’inconscient, S. Freud fait dĂ©river le Witz esprit et mot d’esprit en allemand du jeu enfantin avec les mots qui reposent sur la rĂ©pĂ©tition du semblable, l’assonance, la redĂ©couverte du connu. CondamnĂ© par la conscience adulte parce que contraire Ă  la raison, le jeu avec les mots ne peut subsister qu’à condition de trouver un sens, pour rĂ©pondre aux nouvelles exigences de l’intellect. Pour ne pas renoncer Ă  ce plaisir du non-sens, pour tromper l’instance critique, l’adolescent cherche Ă  faire du sens dans le non-sens. 16S. Freud retrouve les mĂȘmes procĂ©dĂ©s du travail du rĂȘve dĂ©placement, condensation, figuration, dans ce que l’on a appelĂ© plus tard le travail de l’humour ». L’art plastique aussi peut employer les mĂȘmes procĂ©dĂ©s comme le rĂȘve, il utilise la plasticitĂ© visuelle, comme le Witz celle des mots. 17Art et humour peuvent s’analyser comme un jeu entre un contenu manifeste et un contenu espace interrelationnel18L’espace de jeu correspond Ă  une aire transitionnelle situĂ©e entre rĂ©alitĂ© psychique et rĂ©alitĂ© extĂ©rieure. Cet espace du comme si » est l’espace de l’illusion D. W. Winnicott, qui participe de l’espace culturel dont l’art est partie intĂ©grante. 19L’humour et l’art partagent la mĂȘme collocation psychique dans un entre-deux. Entre deux instances inconscient et conscient, fantasme et rĂ©alitĂ©. Mais aussi entre deux espaces l’espace intrapsychique et l’espace interpsychique. Car la capacitĂ© de jouer comporte des allers-retours entre des contenus subjectifs, inconscients, et une forme communĂ©ment partageable, secondarisĂ©e. 20L’humour comme l’art permet de rĂ©soudre aussi l’ambivalence de pulsions, il peut exprimer l’agressivitĂ© et garder les liens objectaux ; il garde les investissements narcissiques et objectaux, car, bien que relevant d’un travail essentiellement intrapsychique, il a tout de mĂȘme besoin d’un public pour ĂȘtre communiquĂ©. 21Humour et Ɠuvre d’art se forment Ă  partir d’un dĂ©sir inconscient qu’ils rĂ©alisent de façon imagĂ©e, comme le rĂȘve, le fantasme et le symptĂŽme. Mais, Ă  la diffĂ©rence de ceux-ci, ils s’ouvrent aux autres qui, du coup, pourront partager les bĂ©nĂ©fices narcissiques sans avoir dĂ©pensĂ© l’énergie nĂ©cessaire au travail artistique et-ou au travail de l’humour. 22Le public ainsi transformĂ© en complice des mĂȘmes tendances pulsionnelles exprimĂ©es peut, de surcroĂźt, se sentir appartenir au cercle des initiĂ©s. À son tour, l’approbation du public fonctionne comme miroir rĂ©assurant pour le narcissisme de l’ rire des mĂȘmes choses implique une certaine consonance de fonctionnement psychique. Si elle est absente, le public peut avoir un sentiment d’exclusion, voire de persĂ©cution, d’ĂȘtre la victime dont on rit, si l’Ɠuvre lui semble inaccessible. En tĂ©moignent ceux qui mĂ©prisent l’expression artistique contemporaine parce que, tout en percevant l’existence d’une dimension transgressive et-ou humoristique, elle leur quoi se moque l’art ?23Bien que les prĂ©misses soient prĂ©sentes dans plusieurs courants artistiques, l’on peut faire remonter au dadaĂŻsme et au ready-made de M. Duchamp le dĂ©but d’un positionnement humoristique de l’art sur lui-mĂȘme. 24Un ready-made est un objet dĂ©signĂ© comme Ɠuvre par l’artiste et par son public. Ainsi, un urinoir renversĂ© porte pour titre Fontaine. D’abord, l’ensemble surprend, le titre contraste et confĂšre une perspective nouvelle Ă  ce qui est perçu visuellement. Les associations d’idĂ©es se portent sur le renversement de situation oĂč le flux de l’urine, eau sale, entre dans le rĂ©ceptacle de l’urinoir, alors que, de façon opposĂ©e mais analogue, l’eau propre jaillit d’une fontaine Ă  laquelle est associĂ© communĂ©ment le geste de s’abreuver. Fantasme phallique-urĂ©tral du petit garçon qui a donnĂ© forme Ă  certaines sculptures ornant les fontaines baroques. Mais un renversement analogue dans un autre domaine s’opĂšre ici un objet rĂ©putĂ© vulgaire non seulement parce que reproductible, fabriquĂ© en sĂ©rie, mais aussi en raison de sa fonction, est Ă©lu au rang d’objet d’art, entrant soudainement dans le royaume du sublime. 25L’effet de surprise a sa fonction dans l’humour pendant un instant, l’Ɠuvre nous sidĂšre, nous restons hĂ©sitants. Comprendre l’humour nĂ©cessite la suspension de la morale, de la critique intellectuelle. Nous partageons la mĂȘme mise entre parenthĂšses de ces catĂ©gories avec l’auteur et la satisfaction qui en dĂ©coule. En mĂȘme temps, il nous Ă©pargne le chemin rationnel que nous aurions dĂ» parcourir pour aller d’une idĂ©e Ă  l’autre ou aux autres condensĂ©es dans un mĂȘme mot ou une mĂȘme se moque de lui-mĂȘme26La dĂ©marche transgressive du ready-made touche Ă  l’image de l’art ouvrant la voie Ă  un ensemble infini d’explorations oĂč la critique de la sociĂ©tĂ© est en mĂȘme temps remise en cause de l’artiste, de son propre courant artistique, de l’art en gĂ©nĂ©ral. 27Citons l’exemple trĂšs connu de P. Manzoni du courant de l’ arte povera », la boĂźte de conserve Merda d’artista, de 1961. Parodie de l’Ɠuvre d’art idĂ©alisĂ©e, avertissement que mĂȘme une Ɠuvre d’art est destinĂ©e Ă  sa finale consomption. Ici, la dĂ©sublimation de l’art va de pair avec la dĂ©sillusion de la croyance en sa pĂ©rennitĂ©. Deux reprĂ©sentations opposĂ©es fusionnent l’Ɠuvre et son auteur sont de la merde et ils ne se prennent pas pour de la merde ! L’excrĂ©ment fĂ©tiche qui se vend sur le marchĂ© de l’art retrouve son statut inconscient de matiĂšre d’échange, d’équivalence symbolique Ă  l’argent, voire Ă  l’or, puisque c’était le cours journalier du mĂ©tal fin qui a fixĂ© le prix des canettes de trente grammes ! La sexualitĂ© anale infantile est mise en scĂšne sans entraves. 28L’Ɠuvre consiste en mĂȘme temps en la boĂźte de conserve, avec une Ă©tiquette qui la nomme, et en l’idĂ©e de ce que cet objet reprĂ©sente. La boĂźte perd sa valeur une fois ouverte, tout comme la boĂźte mystĂšre » de Ben. L’artiste B. Bazile qui le fait en 1989 y trouve une autre boĂźte. 29Cloaca de W. Delvoye en 2000 un engin qui reproduit le systĂšme digestif humain. Un ensemble de tuyaux transparents d’allure trĂšs hygiĂ©nique qui, correctement alimentĂ©, produit six heures plus tard des Ă©trons qui sont mis en vente sous cloche. Plusieurs chefs de la gastronomie française se prĂȘtent au jeu et prĂ©parent des plats pour la machine. L’humanisation de la machine montre son revers la mĂ©canisation de l’humain moderne. Instrument Ă  transformer la nourriture en excrĂ©ment, cette sculpture est une vanitas » de la sociĂ©tĂ© de consommation un mĂ©canisme digestif gĂ©ant, complexe, irrĂ©prochablement propre qui ingurgite des quantitĂ©s de nourriture pour ne produire, in fine, que des dĂ©chets commercialisĂ©s. Condensation de deux images de l’homme contemporain la machine et l’animal dans sa forme la moins Ă©voluĂ©e, telle un gastĂ©ropode ! Mais l’art aussi devient, Ă  l’image de l’homme, un immense mĂ©canisme qui produit des excrĂ©ments Ă  se moque des idoles humour cynique30L’art, aujourd’hui, s’est donnĂ© comme l’une des tĂąches la dĂ©nonciation des valeurs de la sociĂ©tĂ©, de ses institutions jusqu’à celles de l’art mĂȘme. 31L’art se moque, dĂ©masque, dĂ©tourne des valeurs qu’il a pourtant officiellement dĂ©passĂ©es. Comme une dĂ©nĂ©gation, il nie l’adhĂ©sion Ă  des codes pourtant reprĂ©sentĂ©s, montrant d’une part son attachement ambivalent Ă  ceux-ci. De lĂ , son besoin de lĂ©gitimation du public, sa recherche de complices rĂ©confortant sa position. L’humour sert alors cette connivence. Il s’agit d’humour tendancieux, car l’on aperçoit la percĂ©e des pulsions partielles dans ce que les Ɠuvres donnent Ă  voir. 32D’Arsen Salvadov, une photographie couleur Donbass-Chocolat, 1997. DerriĂšre une porte ouverte qui sert de cadre, des mineurs semblent poser pour un ballet. Ils sont nus ou en tutus blancs, sales de suie charbonneuse, au regard sĂ©vĂšre et dans des postures fatiguĂ©es par le labeur. C’est une citation des clichĂ©s qui hantent le peuple russe le ballet classique et la force ouvriĂšre. Le premier fĂ©minin, lĂ©ger, Ă©thĂ©rĂ©. La seconde masculine, puissante, musclĂ©e. Une image de l’art russe, dĂ©suĂšte, candide, contrastant avec une rĂ©alitĂ© du travail dure et humiliante. La satisfaction sado-anale de salir, rabaisser un tel idĂ©al artistique et de sociĂ©tĂ©, pour en dĂ©masquer l’hypocrisie. 33À notre Ă©poque qui se dĂ©tache des prĂ©ceptes catholiques, l’humour dans l’art charnel d’Orlan parodie sainte ThĂ©rĂšse du Bernin, les mots de l’Évangile. Il dĂ©nonce aussi la commercialisation de l’art, sous forme de prostitution. 34Beaucoup d’Ɠuvres adoptent une forme humoristique pour dĂ©nigrer la sociĂ©tĂ© commerciale actuelle avec ses corollaires de gaspillage, mauvaise rĂ©partition des richesses et de soucis Ă©cologiques. 35Nus de RĂ©my Le Guilerm, 1994. Devant un mur qui porte la reproduction de La Chute de l’homme et l’expulsion du jardin d’Eden de Michelangelo Buonarroti, un couple aussi nu qu’Adam et Eve pousse un caddie regorgeant de pommes rouges. Ils ont l’air effrayĂ©s, comme s’ils avaient peur d’ĂȘtre surpris ou craignaient une catastrophe. La citation du tableau classique Ă©voque le thĂšme judĂ©o-chrĂ©tien de la faute originelle. Mais le caddie plein Ă  ras bord de pommes au premier plan contraste avec la pomme » unique, Ă  valeur hautement symbolique, qu’Eve propose Ă  Adam. En un seul regard, l’exagĂ©ration nous apparaĂźt grotesque, Ă  la mesure de la commercialisation, de la convoitise des humains d’aujourd’hui. Mais, derriĂšre le contexte actuel, nous sommes renvoyĂ©s au thĂšme plus universel de l’aviditĂ© orale archaĂŻque du bĂ©bĂ© jamais rassasiĂ© qui guette en nous. L’envie du bon sein gĂ©nĂ©reux de la mĂšre-terre nous pousse Ă  dĂ©sirer le vider de tout son lait. D’oĂč la crainte d’une rĂ©torsion et l’angoisse d’ĂȘtre dĂ©truit ou rejetĂ© par elle. 36Le land art opĂšre dans sa dĂ©marche un renversement humoristique le paysage n’entre plus dans le tableau, il devient lui-mĂȘme tableau », Ɠuvre. 37Un exemple qui ne passe pas inaperçu est celui des empaquetages de monuments de Christo. Paradoxe visuel dans le paysage urbain le monument est cachĂ©-montrĂ©, effacĂ©-soulignĂ©, illustrant la rĂ©gression Ă  la reprĂ©sentation de choses oĂč le principe de contradiction est inopĂ©rant. 38Tandis que, d’habitude, le monument passait inaperçu, son emballage attire le regard, le rendant soudainement plus dĂ©sirable, comme un cadeau qui invite Ă  le dĂ©couvrir, comme le corps de l’amant qui invite Ă  le dĂ©shabiller. C’est aussi un rappel que mĂȘme le monument, malgrĂ© sa charge d’art et d’histoire, n’est qu’une marchandise emballĂ©e, prĂȘte Ă  ĂȘtre consommĂ©e. Du coup, l’humour touche aussi l’image de l’art et de l’artiste qui cache, emballe les monuments dĂ©jĂ  faits, au lieu de les conceptuel pousse la question ouverte par le ready-made jusqu’à ses extrĂȘmes consĂ©quences l’art consiste en l’idĂ©e, vĂ©hiculĂ©e par le discours. Les Ɠuvres finissent par ressembler, Ă  s’y mĂ©prendre, Ă  des mots d’esprit, quelques-uns devenus cĂ©lĂšbres comme des proverbes. En France, les exemples les plus connus sont ceux de la sĂ©rie de tableaux » de Ben Vautier oĂč la figuration du mot tableau » le reprĂ©sente comme un tableau noir d’école sur lequel apparaissent des parodies de maximes dans une Ă©criture cursive blanche comme Ă  la craie. L’humour joue ici sur le double sens du mot dont l’un est donnĂ© Ă  voir par la figuration, comme dans un rĂȘve. Mais l’humour, dans chacun de ses tableaux », rĂ©side dans une multiplicitĂ© de sens. Citons, par exemple, on est tous ego ». Ici, l’écriture est dĂ©viĂ©e de son orthographe attendue, laissant apparaĂźtre une autre pensĂ©e sous-jacente Ă  on est tous Ă©gaux ». À la lecture, un seul mot recouvre deux idĂ©es diffĂ©rentes, mais qui se renvoient l’une l’autre c’est l’égocentrisme de chacun qui nous rend tous pareils. L’apparence est celle d’un lapsus calami involontaire d’un enfant qui ignorerait l’orthographe. Mais l’esprit naĂŻf rĂ©vĂšle une vĂ©ritĂ©. Ce mot d’esprit faussement inoffensif, selon la catĂ©gorie freudienne, dĂ©shabille, en rĂ©alitĂ©, comme le mot Ă  tendance sexuelle et, comme le mot Ă  tendance hostile, il attaque, dĂ©voilant ainsi l’intĂ©rĂȘt narcissique qui hante et contredit le principe Ă©galitaire, fondement de notre sociĂ©tĂ© dite dĂ©mocratique ».L’art se moque de la mort l’humour noir39Dans le type d’humour dit noir », le moi lutte contre l’angoisse de castration, dont l’extrĂȘme est bien l’angoisse de mort. Le macabre est rabaissĂ©, ridiculisĂ© au profit du narcissisme. 40Du courant Panique » de Pan, dieu de l’amour, de l’humour et de la confusion, Abel Ogier sculpte l’ Homme bĂ©quille » un homme cul de jatte, nu, se servant de bĂ©quilles qui sont en fait ses jambes. 41Comme une image de rĂȘve, l’humour ici joue sur la condensation bĂ©quilles et jambes il est handicapĂ©, mais il a ses jambes Ă  la place des bĂ©quilles
. L’impression visuelle, d’abord effrayante, laisse vite la place Ă  l’idĂ©e que le handicap est d’une autre nature, que la difficultĂ© Ă  maintenir la station dĂ©bout et Ă  marcher est celle de l’artiste en tant que homo erectus » d’assumer sa position existentielle qui lui permettrait un regard vers l’horizon et une avancĂ©e vers l’ noir s’exprime dans le body art, ce qui ne surprend pas puisque cette forme artistique qui fait du corps son Ɠuvre et son mĂ©dium porte de façon exacerbĂ©e la question de la finitude corporelle comme limite. Ainsi M. Journiac propose un Contrat pour un corps en 1972 une transformation post mortem de son squelette en Ɠuvre d’art Vous pariez pour la peinture, votre squelette est laquĂ© blanc. Vous pariez pour l’objet, votre squelette est revĂȘtu de vos vĂȘtements. Vous pariez pour le fait sociologique, l’étalon-or, votre squelette est laquĂ© or. » Les deux conditions du contrat mourir et lui cĂ©der son corps Ardenne, 2001. L’artiste transforme votre dĂ©pouille en Ɠuvre impĂ©rissable. C’est faire un pied de nez Ă  la mort, se consoler avec l’idĂ©e d’une certaine forme de pĂ©rennitĂ© se moque de sa capacitĂ© de crĂ©er l’humour sceptique42À notre Ă©poque dite postmoderne », l’humour devient souvent sceptique. Certains courants en Ă©taient les prĂ©curseurs, par exemple le pop art, mais mĂȘme sous une forme prosaĂŻque d’images publicitaires, d’objets de consommation les plus vulgaires et communs, l’art avait encore son mot Ă  dire. 43Or, l’on voit aujourd’hui apparaĂźtre des formes d’art qui semblent crier le dĂ©sespoir de l’ancien proverbe Nihil novi sub sole. 44L’attitude d’autodĂ©rision devient franchement autodĂ©prĂ©ciative avec Sherrie Levine, simulationniste des annĂ©es quatre-vingt, qui reflĂšte la perte de foi dans l’art comme moyen de changement de la sociĂ©tĂ©. Sa dĂ©marche radicale consiste Ă  signer des reproductions de tableaux d’auteurs connus. Sa signature s’accompagne de celle du maĂźtre, par exemple S. Levine after Morandi », oĂč after » peut se traduire par d’aprĂšs » et-ou aprĂšs ». C’est une forme d’humour dĂ©sespĂ©rĂ© qui exprime un sentiment d’impasse de l’art et du monde postmoderne, un sursaut du moi qui cherche malgrĂ© son accablement Ă  reprĂ©senter l’affect mĂ©lancolique qui ne laisse pas de place Ă  l’espoir, au futur. Il n’y aurait plus de crĂ©ation possible, que de la recrĂ©ation. La rĂ©fĂ©rence aux maĂźtres ne laisse plus d’espace au sujet l’idĂ©al du moi Ă©crase le narcissisme. 45L’humour tire gĂ©nĂ©ralement profit d’une souffrance, comme le masochisme Ă  cette diffĂ©rence prĂšs qu’il la dĂ©joue sans l’ignorer, il ne l’érotise pas. Mais l’humour sceptique dans l’art postmoderne laisse trop passer l’impuissance, le dĂ©sespoir, il arrive mal Ă  les contredire. La sidĂ©ration de l’effet de surprise risque de se figer au lieu de se dĂ©tendre en un sourire de et art s’expriment dans l’espace de l’illusion, espace de libertĂ© nĂ©cessaire Ă  l’équilibre psychique de l’individu comme Ă  celui de la sociĂ©tĂ©. En cela, ils aident Ă  soulager la tension entre les deux pĂŽles de l’existence la rĂ©alitĂ© interne et la rĂ©alitĂ© externe. 47L’humour offre une solution contre des affects qui pourraient menacer l’intĂ©gritĂ© du moi. Il s’agit donc d’un enjeu narcissique. Il n’est pas surprenant que l’humour apparaisse dans l’art Ă  notre Ă©poque si hantĂ©e par les menaces narcissiques dont elle cherche, par tous les moyens, Ă  se dĂ©fendre. 48L’humour dans l’art contemporain dĂ©fie l’angoisse d’anĂ©antissement, les valeurs de la sociĂ©tĂ© et ses propres idĂ©aux, jusqu’à s’attaquer – ce qui est plus rĂ©cent – aux fondements mĂȘmes de son existence. 49Mais l’humour possĂšde la capacitĂ© de se reprendre pour sortir de l’impasse tout peut ĂȘtre relativisĂ©, rĂ©cupĂ©rĂ© et mis en perspective symbolique. Comme ce tableau de Ben qui nous servira de conclusion Cela ne sert Ă  rien de vous stresser, respirez, souriez, laissez-vous aller, tout est art. »
Lart nous permet d'ĂȘtre heureux ‱ Comme nous venons de le voir, l'art n'est pas une pĂąle imitation de la nature, il a une fonction philosophique et sociale indĂ©niable. Certains philosophes pensent que l'art est une cure de bonheur. Si la « dĂ©licatesse de passion », c'est-Ă -dire l'extrĂȘme sensibilitĂ© aux passions, peut nous faire

Lart est utile, car il fait de la main de l'Homme le moteur du monde matériel, au sens littéral du terme. En tant que l'art imite la nature, il peut entraver l'Homme physiquement. En effet, le mouvement du corps peut entraver sa capacité à penser.

LĂ©criture manuscrite sert-elle Ă  quelque chose aujourd'hui ? · Je ne souhaite pas passer pour une rĂ©trograde attachĂ©e aux bonnes vieilles valeurs ancestrales. Lisez, documentez-vous et vous verrez, il existe des Ă©tudes concernant l’écriture manuscrite et ce qu’on peut y lire est assez Ă©tonnant.
Poursavoir Ă  quoi sert l’art, il faudra bien savoir de quoi on parle Pour Bergson, l’artiste est celui qui est capable de se dĂ©tacher de la rĂ©alitĂ©, de "notre besoin de vivre et d’agir" qui "nous a amenĂ© Ă  rĂ©trĂ©cir et Ă  vider" notre vision du monde. DĂšs lors l’art sert Ă  nous rĂ©vĂ©ler en nous et hors de nous ce que nos prĂ©occupations matĂ©rielles nous empĂȘchent de
zMEU.
  • hxjj2qq1ph.pages.dev/17
  • hxjj2qq1ph.pages.dev/466
  • hxjj2qq1ph.pages.dev/273
  • hxjj2qq1ph.pages.dev/82
  • hxjj2qq1ph.pages.dev/105
  • hxjj2qq1ph.pages.dev/299
  • hxjj2qq1ph.pages.dev/66
  • hxjj2qq1ph.pages.dev/17
  • l art sert il a quelque chose